Mes favoris

Le crabe est revenu

Rédaction
Alex Ann VS, a le Bas-Saint-Laurent tatoué sur le cœur et aime raconter ce qu’elle vit de vrai, ici.
Le crabe, c’est la première pêche.
Celle qui dit que le printemps n’est plus bien loin, même si quelques bancs de neige s’accrochent encore aux fossés du Bas-Saint-Laurent.
Le crabe des neiges, il goûte le frais, le renouveau. Il se mange en guédille, avec du beurre à l’ail, ou juste nature. Mais surtout, il se mange en gang.
Et c’est peut-être ça, aussi, qui le rend si bon.
Ce crustacé emblématique du Nord vit dans les eaux froides et profondes du golfe du Saint-Laurent. On le pêche au printemps, dans une fenêtre courte et intense, avant qu’il ne mue et devienne vide. C’est un produit fragile, éphémère, précieux. Autrefois exporté presque exclusivement, il s’est taillé une place de choix sur nos tables. Aujourd’hui, il fait partie des premiers plaisirs du redoux — comme les bottes d’eau qui sèchent au soleil ou les premières bières prises sur le bord du fleuve.
Et ceux qui le vendent, ce crabe, ceux qui le préparent avec cœur, ils en connaissent chaque subtilité.
Bernard Lauzier en fait partie. Il a acheté son premier permis de pêche à 16 ans. Pas simplement parce qu’il n’aimait pas trop l’école — il me l’a confié en riant — mais parce qu’il avait ça dans le sang. L’eau salée, les marées, la vie dehors. Puis un jour, en passant en voiture devant ce local « À louer », il a sauté sur l’occasion pour convaincre sa femme et sa mère d’ouvrir une poissonnerie. C’était tout petit. Tout simple. Mais c’était à lui. Et c’était déjà bon.
Et depuis ce temps, quand la saison du crabe commence, l’histoire se répète, les lignes de la poissonnerie s’enflamment.
À la Poissonnerie Lauzier, c’est deux personnes à temps plein qui passent leurs journées à répondre au téléphone. Des réservations, des questions, des « y en aura-tu assez cette fin de semaine? »
Pour Bernard, c’est une période exaltante… mais un brin stressante aussi. Le produit est attendu, désiré… mais jamais garanti.
Le crabe, tu le vends quand il est là. Ce que tu n’as pas aujourd’hui, tu ne peux pas le reprendre demain.
Bernard Lauzier, pêcheur propriétaire de la Poissonnerie Lauzier de Kamouraska et Rivière-du-Loup
Et c’est là toute la complexité. Faire plaisir à ceux qui attendent leur festin, tout en sachant qu’on ne pourra pas contenter tout le monde. Parce que c’est le fleuve qui décide.
Si la Poissonnerie Lauzier rayonne bien au-delà du Kamouraska, Bernard, lui, se tient en arrière-scène. Discret, mais engagé. Il a l’entrepreneuriat modeste, mais l’échine solide.
Une entreprise, tu ne peux pas juste l’aimer… faut que tu t’y abandonnes. Comme en amour. C’est ça qui fait que ça marche.
Bernard Lauzier
Et puis il y a les clients. L’été dernier, alors qu’il faisait des travaux dans sa nouvelle succursale de Rivière-du-Loup, certains sont venus le voir, juste pour lui dire merci.
C’est valorisant, tu sais… de se faire dire merci par le monde.
Bernard Lauzier
Il le dit doucement, sans flafla. Mais on sent que ça le touche. Parce que ce qu’il a bâti, ce n’est pas juste un commerce. C’est une relation de confiance, tissée au fil des saisons, entre les tempêtes et les accalmies. Et ça, ça ne se mesure pas en livres de crabe.
Il chérit sa clientèle autant que son équipe. Et dans ses comptoirs, ça paraît : tout donne envie. On voudrait tout goûter, tout ramener.
Remplir le congélo… et le bedon.
Kamouraska est un village reconnu pour ses paysages, ses couchers de soleil, ses haltes gourmandes. Un rendez-vous estival pour les épicuriens d’ici et d’ailleurs. Ceux qui viennent veulent rester. Et ceux qui partent… reviennent.
Et ce que les touristes cherchent vraiment, ce sont les petits trésors des gens du coin. La Poissonnerie Lauzier en est un. Un commerce d’abord pensé pour les gens d’ici, qui attire maintenant aussi ceux qui passent. Ceux qui veulent ressentir – ne serait-ce qu’un week-end – ce qui fait vibrer la région.
Les touristes, c’est un beau bonus! Mais ma clientèle, celle qui me fait vivre à l’année, c’est le monde d’ici.
Bernard Lauzier
Alors voilà.
Le crabe est revenu.
Avec lui, cette petite fébrilité qui sent le printemps… et le beurre à l’ail.
Prenez votre mal en patience — les lignes sont longues, le crabe joue parfois à cache-cache — mais tenez bon.
Le festin s’en vient.
Et comme tout ce qui est rare, il vaut l’attente.

Vous avez aimé cet article?
Vous pourriez aussi être intéressé·e par ceux-ci
@BasSaintLaurent
Utilisez le mot-clic #BasSaintLaurent ou identifiez-nous sur vos photos pour nous partager vos photos de voyage et vos moments forts!